J'adore ton expression Chiffon gras sac de sable
Une petite pour le prochain vol :
À l'aéro-club, on l'appelait "La grenouille", faut dire que la plupart
de ses attéros étaient à la Beethoven, c'était vraiment le roi des
béconnards ; même qu'on se fendait bien la poire en le voyant faire des
atterrissages de colonel. Le hic, c'est qu'il fallait souvent aller à la
glandouille chercher un graisseux ou un chiffon gras pour vérifier les
sabots et quelquefois un choumac pour poser une pétasse. Il avait beau
essayer de morpionner avec sa trapanelle en papier-cul, il y'arrivait
pas. Y'avait aussi ses approches en table de bistrot avec la bille dans
le coin qui n'arrangeaient rien. Néanmoins, il ne s'était jamais
retourné les pinceaux.
Pourtant, il avait beaucoup d'heures de vol, d'abord en tant que bœuf
sur une débroussailleuse qui grimpait aux arbres puis comme âne sur un
planeur à système d'envol incorporé - une vraie bicyclette - et bientôt
sur un gros. Là, contrairement à l'aéro-club, il faisait des kiss dans
la crème chantilly sans problème, un vrai branleur de manche ; il est
vrai que de temps en temps Georges lui donnait un coup de main. Un vrai
morpion de carlingue qu'aimait pt'êt mieux les bouilleurs q'les
batteuses.
Il s'était souvent fait tabasser sans marsouiner, un vrai mermoz qui
pilotait aux fesses. Jamais il n'avait effacé la piste, ni atterri en
cheval de bois ni même fait tomber les stérilets. Mettre du pied et
sortir la ferraille quand y faut ; ne pas se laisser distraire par les
serveuses de oui ; éviter de bouffer de la piste, bien calculer le coco
; parler correctement au trapèze, aux manipulateurs d'écho et aux
baveurs de micro ; décraber en douceur pour éviter le renard qui se
balade ; bien suivre le lièvre, telles étaient ses devises. Il s'en
était payé des coins mal pavés, comme par hasard au moment du dîner ; un
PAX démoulait l'poulet basquaise et un stew nappait le client, ça
faisait du boulot supplémentaire pour les pousseurs de chariot ; mais
jamais il ne s'était frisé les moustaches ni n'avait cassé du bois.
Bien sûr, comme tout un chacun, mais rarement, il avait eu un
retour-bloc pour un technique et comme il n'y avait pas de petit jésus,
il avait dû bétonner à côté du camembert en attendant les gonfleurs
d'hélice.
Merci à Pierre Perret et à son livre "Le parler des métiers".
- Atterrissages de capitaine, de commandant, de colonel : Façon
d'atterrir en rebondissant trois, quatre ou cinq fois. En référence au
nombre de galons du grade.
- Batteuse : Hélice.
- Baveur de micro : Contrôleur aérien.
- Beethoven : faire un Beethoven. Rebondir quatre fois lors de
l'atterrissage : Pom pom pom pom.
- Béconnard : Spécialiste de l'atterrissage par bonds.
- Bétonner : Être cloué au sol à cause d'une mauvaise météo ou d'un
problème technique.
- Bicyclette : Avion lent.
- Bœuf : Commandant de bord.
- Bouffer de la piste : Rouler sur toute la longueur de la piste avant
de décoller ou après l'atterrissage.
- Bouilleur : Réacteur.
- Branleur de manche : Pilote.
- Camembert : Aérogare 1 de Paris CDG, par analogie de forme.
- Casser du bois : Endommager l'avion, notamment à l'atterrissage.
- Chiffon gras : Voir Graisseux
- Choumac : Chaudronnier. (1)
- Coco : Essence ou kérosène.
- Débroussailleuse : Airbus A320. Surnommé ainsi depuis l'accident de
Mulhouse où un avion de ce type à "débroussaillé" une bonne centaine de
mètres de forêt.
- Décraber : Rectifier ou annuler une dérive de l'appareil.
- Démouler : Renverser quelque chose.
- Effacer la piste : Voir Bouffer la piste.
- En table de bistrot : Virer à plat.
- Faire tabasser (se) : Se faire secouer dans un avion lors de
turbulences.
- Faire tomber les stérilets : Atterrir de façon brutale.
- Friser les moustaches (se) : Passer très près l'un de l'autre, au sol
ou en vol, pour deux avions.
- Georges : Pilote automatique.
- Glandouille : Partie la plus propre et la plus isolée d'un hangar ou
d'un atelier. Souvent équipée de fauteuils, table, cafetière. Lieu où
l'on va se "reposer", glander ou glandouiller en quelque sorte.
- Gonfleur d'hélice : Aide mécanicien.
(La vraie histoire des gonfleurs d'hélice :
http://aviatechno.free.fr/passion/gonfleur.php)
- Graisseux : Mécanicien au sol
- Grimper aux arbres : Faire monter son avion très vite.
- Gros : Boeing 747
- Kiss (Kiss landing) : Atterrissage en douceur.
- Lièvre : Ligne de feux à éclats installée au sol pour guider les
aéronefs.
- Mal pavé : Turbulences au cours d'un vol.
- Manipulateur d'écho : Contrôleur d'approche s'occupant des décollages
et atterrissages.
- Marsouiner : Voler en faisant des ondulations.
- Mermoz : Pilote.
- Mettre du pied : Rétablir l'équilibre de l'avion.
- Morpion de carlingue : Pilote passionné par son métier qui passe le
plus de temps possible dans une cabine de pilotage.
- Morpionner : Soigner une procédure d'atterrissage.
- Napper le client : Renverser de la sauce ou de la boisson sur les
vêtements d'un client.
- Petit Jésus : Officier mécanicien navigant. Il est entre le boeuf et
l'âne.
- Piloter aux fesses : Piloter à l'aise, sous-entendu, sans avoir besoin
de toucher aux commandes.
- Planeur à système d'envol incorporé : Avion économique mais très
lourd. Airbus A340 par exemple qui monte lentement.
- Poser une pétasse : Poser une tôle de réparation ou un renfort local
sur un appareil.
- Pousseur de chariot : Hôtesse ou steward.
- Renard qui se balade (Y'a un) : Quelqu'un a vomi dans l'avion.
- Retour-bloc : Retour au bloc de départ dû à un problème technique.
- Retourner les pinceaux : Capoter à atterrissage. Le pilote, dans son
harnais, se retrouve avec les pieds en l'air.
- Sabots : Train d'atterrissage. (Babouches, baskets, godasses,
roulettes)
- Serveuses de oui : Hôtesses (qui circulent avec un pot de thé ou de
café). Parce que les pilotes à qui l'hôtesse demande "thé ou café"
répondent invariablement "oui".
- Sortir la ferraille : Sortir les volets.
- Technique : Problème technique.
- Trapanelle : Petit avion d'aéroclub.
- Trapanelle en papier cul : Petit avion à revêtement de toile.
- Trapèze : Contrôle aérien.
- Âne : Copilote. (Il est dans la crèche avec le boeuf et le petit
Jésus).
(1) Choumac ou Choumaque
CHOUMAQUE s. m. (chou-ma-ke - allemand schumacher, faiseur de
chaussures). Argot. Savetier.
Grand Dictionnaire Universel du XIXe siècle (1863-1876)Pierre Larousse
Même définition dans le Nouveau Larousse Illustré en 7 volumes de 1903.
De même pour désigner le cordonnier on disait quelquefois "choumac" (de
l'allemand Schumacher) en souvenir des Prussiens logés à Nozeroy pendant
la guerre de 1870.
Le Patois de la Région de Nozeroy par 0skar Kjellén.
Livre "Tu seras choumac" de Richard Maroli. Librairie du compagnonnage.
Voir : http://aviatechno.free.fr/bib/images.php?id=108&ann=1
Par analogie avec les coups de marteau, le pliage du cuir et le
franc-parler des cordonniers et autres bouifs, ce terme fut attribué aux
carrossiers/chaudronniers/tôliers d'abord d'automobile puis
d'aéronautique quand celle-ci devint métallique.
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Ce n'est pas parce qu'ils sont nombreux à avoir tort
qu'ils ont forcément raison. Coluche